Mardi 29 janvier, l’avocat général de la Cour de justice de l'Union européenne, saisie par la Belgique, a rendu son avis sur le tribunal d’arbitrage prévu dans le CETA. L'avis de l'avocat général est souvent suivi par les juges de la Cour, ce qui rend ses prises de position importantes. Il valide totalement et sans réserve le tribunal d’arbitrage. Selon lui, le fait que seul le dédommagement soit prévu est un gage de respect de la souveraineté des Etats, et ce d’autant plus que le tribunal d’arbitrage n’exclut pas le recours à la justice nationale.
L’avocat général ne semble pas comprendre un fait pourtant simple : le principe d’une cour arbitrale, même publique, est une grave atteinte à la souveraineté des Etats. Si les dédommagements requis atteignent des millions ou des milliards d’euros, alors les gouvernements seront dans tous les cas contraints. Ils seront obligés d’entrer en négociations avec les multinationales plaignantes et donc de retirer leur loi pour que les poursuites soient abandonnées. Sinon, ils devront payer. Il ne s’agit donc pas de juger des aménagements à la marge mais de juger du principe de ce dispositif !
Pourquoi un tel avis ? Est-ce de la naïveté ? Est-ce l’habitude de voir émerger des tribunaux d’arbitrage dans chaque accord commercial ? Ou bien est-ce le résultat d’amicales pressions extérieures ?
Nous ne le savons pas. Mais nous savons que cet avis favorable est la porte ouverte à la validation des tribunaux d’arbitrage dans le CETA et les autres accords commerciaux.
Nous nous battrons toujours et sans relâche contre des accords commerciaux qui remettent en cause les normes sociales, environnementales et sanitaires. C’est la raison pour laquelle il faut s’opposer aux tribunaux d’arbitrage qui sont un contournement des justices nationales et des gouvernement. même sans ratification des Etats.
POUR RAPPEL
L’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement), prévoit un tribunal d’arbitrage pour régler les différends entre les investisseurs et les Etats. La Wallonie s’y était opposée en 2016 au motif que l’ISDS (Investors States Disputes Settlement) remettait en cause la législation environnementale, sanitaire et sociale et portait gravement atteinte à la souveraineté des Etats qui se voyaient privés de l’exercice de leur justice nationale.
En effet, les cours arbitrales sont privées, internationales, et autonomes des systèmes judiciaires classiques. Seuls quelques grands cabinets d’avocats récupèrent les affaires, pour se mettre au service des Etats, des multinationales ou pour devenir arbitres, moyennant des émoluments très généreux. Les tribunaux d’arbitrage internationaux sont monnaie courante dans les accords commerciaux. Ils sont cependant un moyen très sûr de contraindre les Etats à dédommager très lourdement les multinationales s’estimant lésées dans leurs investissements, ou à ne pas adopter de législations environnementales, sociales ou sanitaires qui les pénaliseraient.
L’opposition de la Wallonie avait provoqué une crise diplomatique. Le conflit fut résolu de deux manières. Un accord a minima fut trouvé sur le tribunal d’arbitrage : celui devait être public et ne pouvait prononcer comme sanctions que des dédommagements et non des retraits de lois (encore heureux !). La Wallonie a obtenu du gouvernement fédéral belge que celui-ci saisît la Cour de justice de l’Union européenne sur le dispositif du tribunal d’arbitrage. En attendant, le CETA entrait application partiellement, et sans la ratification de nombreux Etats membres.