Le samedi 28 septembre à Villeurbanne.
Camarades, compañeros,
En ce jour, nous rendons hommage à un géant de notre histoire commune. Un président, un médecin du peuple. Salvador Allende, toi qui incarnais la voix de millions de Chiliens, tu es tombé pour l’idéal suprême : la justice sociale, la souveraineté populaire, la dignité humaine.
Allende, c’était la lumière d’un espoir inouï. Élu à la tête du Chili en 1970, il avait promis de mettre fin à l’exploitation féroce des travailleurs et des paysans. Il osait dire que le cuivre du Chili, cette richesse pillée depuis des décennies par les multinationales, devait appartenir au peuple. Il nationalisait ces grandes entreprises dans le but de redistribuer le pouvoir aux travailleurs et syndicats. Il disait que la terre devait revenir à ceux qui la cultivent, et que jamais plus l’homme ne serait un esclave des profits des puissants. Et pour cela, il était aimé.
Mais cet espoir, en pleine Guerre froide, a fait trembler les maîtres du monde. À Washington, dans les bureaux feutrés de la CIA, une décision a été prise : celle de détruire cette expérience démocratique et révolutionnaire, celle de « faire crier l’économie chilienne » pour mieux inciter à un coup d’Etat militaire, celle d’une ingérence hors norme dans une Nation indépendante et souveraine. Pour ce faire, ils ont soudoyé, corrompu, manipulé. Ils ont mené une guerre souterraine contre le peuple chilien. Et ils ont trouvé leur homme de main, le général Pinochet.
Camarades, le 11 septembre 1973, le rêve chilien fut déchiré par la brutalité la plus sauvage. Le Palais présidentiel de La Moneda, symbole de la souveraineté d’un peuple, fut bombardé. Salvador Allende, dans ses derniers instants, casque sur la tête, refusait de fuir, préférant mourir en homme libre. L’arme, avec laquelle il passa à l’action, ne fut autre que celle que Fidel Castro lui avait offerte. Ni son pistolet, ni son ultime geste, n’auront été des ennemis de l’Unité Populaire. Il s’est dressé, jusqu’au bout, contre l’ignominie et la trahison. Allende, c’était l’honneur de la démocratie face aux chars et aux avions.
La pluie de bombes sur la Moneda ne signa que le début d’un dramatique orage sur le Chili. Un orage de terreur et de sang, qui dura seize ans. Les militaires de la Junte de Pinochet envahirent les usines, les universités, les maisons des militants et des militantes. Leurs bottes frappaient le pavé et leur crosse les portes de celles et ceux qui avaient osé rêver avec Allende. Les syndicats, lieux de résistance ouvrière, furent anéantis. Les travailleuses et les travailleurs, celles et ceux mêmes qu’Allende voulait émanciper, furent persécutés. Les stades, autrefois lieux de fête et de sport, ne furent plus que des camps de la mort. Sous le regard du monde, des milliers de Chiliens furent torturés, exécutés, pendant que la CIA, complice de cette entreprise mortuaire, conseillait et finançait l’oppression et la répression.
Pinochet et ses sbires ont instauré une dictature froide et cruelle, méthodique et organisée. La répression s’est étendue comme une ombre sur tout le Chili, ombre bientôt renforcée par les ailes des condors. Le coup d’Etat contre Allende, contre l’Unité Populaire, s’est aussi le passage du Chili au silence, un silence repris par d’autres pays en Amérique latine.
Depuis ces gradins, l’Océan Pacifique ou encore le désert d’Atacama, le sang de nos camarades coula. La dictature de Pinochet a été un concentré des crimes les plus abjects de l’histoire contemporaine.
Cinquante-et-un ans après le début de cette dictature, nous rendons hommage autant à Allende, qu’à ses soutiens, premières victimes des atrocités de Pinochet. Leur ambition révolutionnaire portée par les urnes aura été violemment et tragiquement tuée. Je tiens à honorer ces milliers de femmes et d’hommes, forcés à l’exil, torturés, morts et disparus. Je soutiens également leur famille, qui porte en elle, ce douloureux héritage et parfois ce combat non achevé pour obtenir la vérité.
Ils ont voulu effacer le rêve d’Allende. Mais qu’ont-ils fait de ce rêve ? L’ont-ils détruit ? Non, jamais ! Car si Allende est tombé, son idéal vit toujours ! Le martyr d’Allende nous oblige. Son sacrifice n’est pas une défaite, mais un appel. Un appel à continuer la lutte. Nous, ici, nous sommes les héritiers de cet engagement. Allende nous a appris que la justice sociale, l’égalité, la souveraineté populaire sont des combats qui exigent tout, parfois jusqu’à la vie. Mais c’est un prix que l’histoire implacable nous demande parfois de payer.
Aujourd’hui, nous voyons encore les traces de cette bataille. Le Chili s’est relevé. Le peuple chilien a retrouvé sa voix. Ceux qui ont été persécutés, torturés, assassinés, vivent en chacun de nous. Leur courage, leur résistance, nous en portons l’héritage.
Nous ne plierons jamais. Comme Salvador Allende, nous dirons aux puissants : le peuple est souverain. Nous nous rappellerons ses dires : nous nous rappellerons que « s’ils ont la force, ils pourront nous asservir ; mais on n’arrête pas les mouvements sociaux, on n’arrête pas un peuple en marche, ni par le crime ni par la violence. »
Comme Salvador Allende, nous mènerons ce combat pour la justice sociale, pour que la richesse des nations profite à celles et ceux qui la produisent. Les oppresseurs d’hier, ceux de la CIA, ceux des multinationales, les tyrans qui violentent la démocratie et l’Etat de droit, qu’ils le sachent : nous n’avons pas peur, nous ne nous arrêterons pas.
Salvador Allende, tu n’es pas mort. Tu vis en nous. Ton rêve de justice sociale brûle en chacun de nous. Tu nous guides dans cette lutte éternelle pour l’émancipation humaine.
Tu es notre boussole. Tu es notre boussole dans cette forêt qui devient de plus en plus brune.
Vive la République sociale ! Vive le peuple chilien libre ! ¡Salvador Allende, presente! ¡Salvador Allende, presente! ¡Salvador Allende, presente! ¡Ahora y siempre!