Ce samedi, je prendrai la direction de Bruxelles, pour participer aux assises franco-belges de l'écosocialisme, où j'interviendrai lors d'une table ronde sur les radicalités concrètes. Plusieurs organisations de la gauche belge seront présentes, le mouvement Vega (Verts pour une gauche alternative), le Mouvement de la Gauche (wallon), le parti Rood. Il s'agit là d'un moment important de rencontre et de réflexion qui permettra, je l'espère, de renforcer les convergences européennes et transfrontalières en vue de la construction d'une Europe écosocialiste.
Le problème de l'eau et les solutions qu'il est possible de lui apporter aux échelles locales comme européennes, sont à l’ordre du jour. En effet, le souci écologique, et plus particulièrement en ce qui concerne l'eau, ne peut pas simplement être régional. La gestion et la définition des bons usages de l'eau supposent un effort collectif et transnational. Malheureusement, les tentatives européennes pour définir un cadre réglementaire qui répondrait à ce problème sont aujourd'hui insuffisantes. L'UE a mis en place deux textes importants : en 2000 la Directive Cadre sur l'Eau (DCE), et en 2012 Water Blueprint ou « Plan d'action pour la sauvegarde des ressources hydriques en Europe » qui oriente la politique européenne de l'Eau jusqu'en 2030.
Ces textes programmatiques développent une certaine idée de la ressource hydrique qui est révélatrice de l'idéologie qui accompagne aujourd'hui la construction européenne. La DCE comme le Water Blueprint économicisent la question de l'eau en en faisant une ressource d'importance capitale pour les activités de production. L'eau est ainsi considérée comme une ressource indispensable à l'économie, ces textes ne font que très peu de cas du rapport entre l'humain et l'eau, ou entre la nature et l'eau. L'un des symboles de ces manques se trouve dans la question de la propriété de la ressource hydrique. La DCE comme le Plan se refusent à une autre définition que celle d'un bien marchand pas comme les autres. D'ailleurs, ils posent comme une nécessité la monétarisation des services hydriques, plaçant de fait la question de l'Eau dans une logique commerciale.
Cette conception laisse échapper la maîtrise de la ressource hydrique au politique. Les plans européens visent à encadrer la mise sur le marché de l'Eau sans aucune volonté de l'en substituer. Ainsi, ils ne permettent pas de développer une politique cohérente européenne de l'Eau, et ce car l'UE laisse cette gestion aux acteurs privés tant qu'ils sont en adéquation avec les cadres réglementaires.
L'urgence écologique rend pourtant aujourd'hui nécessaire de changer notre vision de l'Eau. 60 % des ressources européennes se trouvent sur une zone frontalière, l'Eau a donc, de fait, un caractère européen. Elle doit en conséquence être traitée comme telle, c'est à dire comme un bien commun européen. S'engager dans une telle logique amène à penser notre responsabilité collective vis à vis de cette ressource et à développer une politique européenne publique de l'Eau.
Ainsi, l'Eau comme ressource collective inaliénable doit être protégée non pas pour son intérêt stratégique en matière économique, mais surtout car elle est nécessaire à notre patrimoine humain et naturel. L'Empire romain s'est bâti sur la méditerranée comme « mare nostrum », il faut aujourd'hui bâtir l'Europe autour de « notre Eau commune ». Un tel cap implique une politique européenne intégrée et participative qui permette une gestion démocratique de l'Eau prenant en compte à la fois le local et le global.
La reprise en main par les collectivités de leur destin hydrique est donc une étape dans la construction d'une politique européenne alternative. Il s'agit de faire bouger les lignes pour montrer qu'une autre gestion des ressources est possible. C'est avec cette attitude qu'il faut construire nos radicalités concrètes, en montrant que par la participation des citoyens et avec une approche écologique, il est possible de créer une autre société.