Face à la finance, aux lobbies et mafias , la campagne des européennes doit s'engager tout de suite

Entretien avec Gabriel Amard, Président de la Gauche par l'Exemple , candidat PG aux élections européennes.

Au vu de votre parcours politique, pourquoi vous présenter ?
GA. Il est vrai que je suis élu local depuis longtemps. J’ai été maire, je suis président d’agglomération. Cependant, les mesures que j’ai engagées ces dernières années ont une valeur nationale et européenne et non seulement locale. Je veux donc maintenant porter ces combats politiques au Parlement européen.

Quel est votre combat politique ?
GA. Je souhaite chasser la finance et les multinationales des biens publics. Dans ma vie, J’ai créé une régie publique de l’eau et de l’assainissement en rompant les rangs face à l'empire Santini-Veolia, participé a sortir une multinationale Suez du traitement des déchets d'un département tout entier et ouvert un approvisionnement d'eau publique au coeur de leur monopole pour cela. Les biens communs relèvent de l’intérêt général, parfois de la vie humaine, comme l’eau. Il est indispensable que ces ressources ne soient pas aux mains des grands groupes aux méthodes douteuses. Il faut que le peuple se réapproprie ces biens communs et les gère lui-même dans l’intérêt de tous. Or la finance et les multinationales gouvernent en Europe. Grâce à leurs puissants réseaux et lobbies, elles y font la pluie et le beau temps et vont à rebours de cette logique ! C'est pourquoi j'ai participé aux côtés de Paul Raoul à la cofondation de France Eau Publique , le premier réseau des gestionnaires publiques de l'eau pour contrecarrer ces lobbies en France et en Europe . Il rassemble au bout d'un an plus d'usagers de l'eau en France que Suez n'a de clients en la matière .


Vous portez un regard sévère sur la construction européenne… ?
GA. Sévère mais réaliste. Le capitalisme néo-libéral fait toujours plus de ravages, en France, en Europe et dans le monde. Tous les jours des fermetures d’usines, des délocalisations, tous les jours des Etats soumis aux rapaces de la finance, au tout puissant marché, tous les jours des réformes qu’on dit structurelles mais qui déstructurent les services publics, en privatisant à bas prix ce qui fait la force d’un pays et qui représente le Bien Commun. Tous les jours plus de pauvres, plus de femmes et d’hommes vivant dans la rue, toujours plus d’austérité.
Or c’est la Commission européenne qui est à l’instigation de ces politiques ! A quoi mène l’Europe qu’on nous a construit ? A rien. Aujourd’hui, la xénophobie, la haine montent de toutes parts ! Il n’y a plus d’espoir d’une Europe sociale ! L’accumulation des réformes structurelles partout en Europe, imposées par la Commission, tue l’Etat social, laissant chacun seul face à l’ogre qu’est le marché ! Le dumping fiscal et social, savamment orchestré par la libre circulation des capitaux achève le modèle social européen en favorisant les délocalisations ! Plus aucune coordination écologique n’est réellement tenable dans ces conditions ! Ce sera encore pire avec le Grand Marché Transatlantique !

Quelle est la cause pour vous d’une telle situation ?
GA. Quel est le mal qui ronge de l’intérieur l’Union européenne ? Ils sont au nombre de trois : la finance, les multinationales et les mafias.

C’est donc l’analyse que vous en faites… ?
GA. Oui évidemment. Et ce sera mon axe de campagne.Commençons par la finance voulez-vous ? La finance, elle a des noms, des visages, des adresses et une terrible influence en Europe, contrairement à ce que disait le candidat Hollande.
Les banques d’affaires et d’investissement tissent leurs réseaux dans la plupart des cabinets des gouvernements nationaux et européens. En France, c’est la banque Rothschild qui a pignon sur rue à l’Elysée, avec Emmanuel Macron. En Europe, c’est un niveau au-dessus. Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne et Mario Monti, ex-premier ministre italien, sont tout droit issus de la banque Goldman Sachs ! Tisser des réseaux a un but : exercer une influence directe sur les politiques européennes.

On peut imaginer que ces personnes distinguent intérêts publics et privés ?
GA. On peut imaginer et rêver aussi ! Mais quand on voit les politiques menées, il est plus que raisonnable d’en douter !
Regardons dans le détail. La Banque centrale européenne mène une politique de maîtrise de l’inflation, d’euro fort et depuis peu accorde aux banques des liquidités. L’inflation permettrait de résorber une partie de la dette des Etats, ce à quoi la BCE se refuse. Elle soutient donc l’idée qu’il faille des réformes structurelles et l’austérité pour réduire sa dette ! L’euro fort ne profite qu’à l’Allemagne qui a su imposer sa vision monétaire d’un euro fort ( comme l’était le mark). Il assure une forte rémunération du capital pour les rentiers. Et l’Allemagne qui exporte des produits haut de gamme n’est pas impactée par l’euro fort. Enfin, la BCE ne se soucie pas des 1000 milliards, la moitié du PIB de la France pour rappel, donnés aux banques ! Cet argent n’a jamais trouvé le chemin de l’économie réelle ! Il a tout de suite été joué en bourse!

Je comprends votre analyse, mais les multiples sommets européens luttaient justement contre la finance.
GA. Parlons- en justement de ces sommets européens pour soi-disant sauver l’Union et l’euro. A chaque sommet sur la crise grecque, les marchés frisaient l’hystérie, histoire de déstabiliser l’économie du pays et de l’Union, et le but des politiques était de trouver l’accord le plus favorable à la finance, pour « calmer » les marchés comme disent les belles personnes. D’ailleurs, ils ne se sont pas privés de spéculer sur l’euro, ni sur les dettes (en jouant sur les titres obligataires) de la Grèce, de l’Espagne, de l’Italie et du Portugal…Ils ont même réussi à imposer directement leur volonté via la troïka qui regroupe la Commission européenne, la BCE et le FMI. Au menu pour la Grèce, réformes structurelles, austérité et privatisations. Pour Chypre, la taxation des dépôts bancaires en-deçà de 100 000 euros a failli passer !

Pourtant la Commission européenne envisage de taxer les transactions financières… ?
GA. Concernant la libre circulation des capitaux, la finance s’arrange toujours pour passer entre les mailles du filet ! Le temps de la fin des paradis fiscaux en Europe n’est pas pour aujourd’hui, alors qu’elle est à l’origine de pertes énormes pour les trésors publics de chaque Etat. De même, Moscovici, ministre des Finances solférinien, a enterré l’idée d’une taxation sur les flux financiers. Et de toute façon, les lobbies à Bruxelles avaient déjà fait le travail ! La finance n’est décidément pas l’adversaire du parti solférinien…

Vous n’évoquez pas le TSCG, pourtant fortement décrié par le Parti de Gauche ?
GA. J’allais y venir. Avec le traité Merkozy, la finance a réussi son dernier pari. La Commission européenne pourra émettre un avis, qui sonnera comme un impératif, sur les projets de budgets nationaux. La réduction des déficits et les réformes structurelles seront au menu et seront la contrepartie de la validation des budgets. Autant dire que le dépeçage des Etats, les privatisations, au profit des grandes banques et des grands groupes sont à l’ordre du jour. En clair, la crise est le merveilleux moyen pour la finance d’achever son projet de destruction de l’Etat et d’enrichissement aux dépens des peuples !

Vous évoquiez également la lutte contre les multinationales… ?
GA. La finance agit de concert avec les firmes multinationales, qui avancent sur les reniements des gouvernements et qui imposent leur vision d’une mondialisation capitaliste et ultra-libérale !

C'est-à-dire… ?
GA. Elles imposent leur volonté à la Commission européenne, complice. On le voit avec Monsanto, que la Commission est toujours prête à satisfaire, ou avec Coca-Cola, qui subit moins de restrictions en Europe qu'aux USA !
En fait, trois moyens, toujours plus graves, sont utilisés.
Tout d’abord le marché unique et la concurrence libre et non faussée. C’est au cœur du projet européen, dès ses débuts. Un groupe d’industriels a donné une feuille de route à la Commission Delors, qui a appliqué les mesures préconisées, presque sans modification ! Le marché unique assure la libre circulation des capitaux, mais aussi le dumping fiscal et social, ferment des délocalisations et des pressions à la baisse sur les droits sociaux. En plus, l’UE est la seule entité au monde à ne pas être protectionniste. Qu’on regarde le conflit entre Airbus et Boeing ! Tous les produits arrivent en Europe et nous exportons avec toutes les difficultés du monde les nôtres !
Cette domination de plus en plus absolue se fait avec les ententes sur les prix et la constitution de cartels entre multinationales ! Regardons les télécoms ! Ou encore l’entente sur les prix de l’eau ! Et qu’on n’aille pas se fier aux prétendues enquêtes et sanctions de la Commission européenne, qui ne sont là que pour faire bonne figure !

Vous oubliez l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis en cours de négociations… ?
GA. Le Grand Marché transatlantique sera au cœur de mes critiques. L’accord de libre-échange est limpide. Les multinationales ont fait pression sur le gouvernement américain et la Commission européenne pour engager des négociations. Les nord-américains y ont un intérêt. Conserver leur hégémonie commerciale chancelante et sortir de la crise via l’expansion économique et l’ouverture sur de nouveaux débouchés. L’Union européenne…on ne sait pas trop, sinon s’accrocher au principe absurde de la concurrence libre et non faussée…La conséquence pour les Etats européens est clair : abolition des tarifs douaniers, abaissement drastique des normes sociales et écologiques… En français ça donne du poulet au chlore et du bœuf aux hormones dans nos assiettes et des salariés sous payés et toujours plus précarisés ! Nous avons déjà un aperçu avec l’accord de libre-échange entre l’UE et le Canada ! Il préfigure celui avec les Etats-Unis.

Je conçois vos critiques, mais comment ces groupes usent-ils de leur influence autre que par le lobbying, qui est légal à Bruxelles ?
GA. L’action conjointe des charognards de la finance et des rapaces des multinationales, ne pourrait avoir lieu sans la constitution de réelles mafias au sommet des Etats et de l’Union européenne ! Et je mesure mes mots.
Quand la finance et les multinationales envahissent les cabinets, à grand renfort de pantouflage, pour faire avancer leur projet néfaste, que sont-elles ? Quand elles s’introduisent dans les succursales de la Commission et négocient en catimini des décisions cruciales, que sont-elles ? Quand elles constituent des lobbies surpuissants qui achètent littéralement les votes des députés européens, avec de somptueux cadeaux, que sont-elles ? Quand elles contraignent un commissaire européen à rendre complètement caduc son projet de réglementation des lobbies, que sont-elles ? Quand elles favorisent le blanchiment d’argent des activités criminelles, pour des questions financières, mais aussi pour le trafic de drogues, d’armes ou l’esclavage, que sont-elles ? Les paradis fiscaux existent encore en Europe !

C’est donc sur ces trois éléments que vous fonderez votre campagne électorale ?
GA. Oui en effet. Les élections européennes seront de réelles élections politiques. Ce sera l’occasion pour le peuple de se prononcer sur l’austérité, sur l’orientation néo-libérale de l’Union européenne, et sur la politique de l’euro fort, imposée par Merkel ! Nous devons faire comme en 2005 : sanctionner et dégager ces politiques qui affament le peuple et nous mènent au gouffre ! Ce sera l’occasion de montrer le vrai visage du parti solférinien et de la sociale-démocratie européenne ! Ils sont en passe de s’accorder pour faire de Martin Schulz, président du Parlement européen, le candidat à la présidence de la Commission. Et ce même Martin Schulz serait aussi le candidat d’Angela Merkel, donc de la droite ! De telles compromissions sont légion.
Je veux montrer le vrai visage de l’Union européenne ! Le visage des compromissions et des mafias ! Le visage des alliances avec la finance et les multinationales ! Nous devons aussi concentrer notre campagne sur ces dénonciations ! Il faut attaquer sans relâche la finance, les multinationales et ces mafias de haut vol ! En révélant tous leurs actes et tous les compromis pourris que les politiques font avec eux ! Nous devons être des objecteurs de conscience ! Des gardes fous du Bien commun !

Vous avez tout de même un programme du Parti de Gauche ?
GA. En effet, nous disposons d’un texte d’orientation qui sera discuté, amendé par les militants. Ce texte est en total accord avec mes idées politiques. Il postule à raison qu’on ne changera pas l’Europe de l’intérieur. Il faut révolutionner l’Union européenne ! En désobéissant aux traités! On ne fait rien sans la France en Europe. Il propose de développer une autre économie, au service des humains et non l’inverse. Il propose la fin de l’indépendance de la BCE et un changement clair d’orientation monétaire ! Il promeut le protectionnisme solidaire et écologique !
Enfin, peut-être le plus important, il avance l’idée d’une planification écologique européenne. Avec l’instauration de la règle verte et de véritables mesures pour amorcer la transition écologique.
Ce programme s'appuie également sur notre manifeste pour l'écosocialisme qui regroupe 18 thèses, fruit d’une démarche ouverte lancée par les Assises pour l’écosocialisme initiées par le Parti de Gauche et de nombreuses personnalités, associations, syndicats et revues en 2012. Face à l’oligarchie financière mondialisée, aux gouvernements soumis aux lobbies des multinationales, aux idéologues de la concurrence « libre et non faussée », du capitalisme vert et du libre échange, l’écosocialisme est une alternative pour imposer l’intérêt général humain : partager les richesses, fonder une nouvelle économie des besoins et de la sobriété, préserver le climat, l’écosystème et sa biodiversité.

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