Discours de Gabriel Amard

Rapporteur de l’APM sur l’accès à l'eau et à l'assainissement dans les pays de l’APM

Assemblée plénière de l'APM

Rabat, 1^er mars 2023

Chers collègues,

Je tiens tout d’abord à remercier nos hôtes marocains pour l’excellence de leur accueil.

C’est avec grand plaisir que je m’adresse à vous aujourd’hui en tant que Rapporteur de l’APM pour le droit humain à l'eau et à l'assainissement dans nos pays, dans le prolongement de l’intervention de notre collègue l’honorable Karim Darwish Président de notre 2e commission permanente mais encore dans les pas de l’exposé du professeur Mahmoud Abu Zeid, pour le conseil arabe de l’eau.

Le droit humain à l'eau potable, à l'assainissement et à l'hygiène est le besoin humain le plus fondamental pour la santé et le bien-être. Il est essentiel pour vivre dans la dignité et garantir l’exercice des droits de l’Homme. C’est pourquoi je vous propose d’évaluer ensemble le degré de prise en compte de la Résolution votée en 2010 aux Nations unies en la matière sur proposition de la bolivie. Cependant, des milliards de personnes ne jouissent toujours pas de ces droits fondamentaux, c’est à dire que l’eau n’est pas disponible, accessible, sure et abordable pour toutes et tous, sans discrimination, qu’il s’agisse de l’eau potable pour les usages personnels et domestiques, l’assainissement et les installations d’hygiène. 2,2 milliards de personnes vivent sans accès à une eau saine. Près d’une personne sur deux vit sans pouvoir accéder à des toilettes et à un système d’assainissement de qualité.

La demande toujours croissante et la consommation abusive de ressource en eau ont augmenté les risques de stress hydrique dans le monde, surtout le long des rives sud et est de la Méditerranée et de plus en plus en Europe également.

Autour du bassin méditerranéen, plus de 180 millions de personnes sont touchées par la pauvreté en eau et 60 millions supplémentaires sont confrontées à un certain degré de stress hydrique. En 2019, l’Afrique du Nord et l’Asie de l’Ouest ont connu un niveau de stress hydrique que l'ONU considérait comme critique. Le Rapporteur spécial pour le droit humain à l’eau et à l’assainissement mon ami et honorable. Pedro Arrojo-Agudo en visite dans certains pays de l’APM a estimé que la pénurie d’eau ne peut justifier le non-respect des droits humains à l’eau potable et à l’assainissement

Le bassin méditerranéen est une région gravement touchée par les effets du dérèglement climatique avec lequel il nous faut désormais vivre et nous adapter, ce qui exacerbe la crise mondiale actuelle de l'eau, ainsi que les inégalités existantes. En effet, les principaux impacts du changement climatique sont générés autour de l'eau.

La fréquence et l’intensité croissantes des crises locales de l’eau entraînent de graves répercussions sur la santé publique, le vivant, la sécurité alimentaire et énergétique.

En substance, le droit à l'eau et à l'assainissement est un enjeu global. En effet, toutes les formes de vie sur terre en dépendent. Les humains ne sauraient survivre sans eau plus de trois jours.

Nous, parlementaires, nous devons en faire un droit humain placé au plus haut niveau. L’ampleur et l’urgence du problème ainsi que le manque et la fiabilité des données sur les services d’eau et d’assainissement en Méditerranée, indique la nécessité d’attirer l’attention sur ce sujet et de poursuivre les recherches. Dans ce contexte, je vous propose de présenter, lors de la prochaine assemblée plénière en 2024, un rapport sur le droit à l'eau potable et à l'assainissement dans les pays de l’APM.

A ce titre, nous devons prévoir d’entreprendre ensemble des missions dans certains pays de l’APM afin d’examiner la situation concernant l’eau et l’assainissement au niveau national, d’identifier les pratiques et de formuler des pistes d’action à l’intention des gouvernements concernant les mesures à prendre pour améliorer le droit à l’eau et à l’assainissement et garantir la protection des droits de l’Homme dans ce domaine. Un questionnaire sera adressé à vos délégations afin de dresser un panorama des législations sur le droit à l’eau et à l’assainissement dans le bassin méditerranéen et dans le Golfe. J’invite également les délégations à contribuer à la rédaction de ce rapport, en faisant des propositions, en apportant des informations spécifiques.

Chers collègues,

Une action urgente est nécessaire pour surmonter l’insécurité hydrique, car tous les Etats sont touchés.

Les États et les parlementaires ont une grande responsabilité en la matière. Un nombre croissant de pays ont reconnu le droit humain à l'eau potable dans leur constitution. Merci au Maroc, à la Tunisie, à l'Égypte et à la Slovénie de nous avoir montré le chemin. Cette reconnaissance a indéniablement constitué une étape majeure sur la voie de la pleine jouissance du droit humain à l'eau. Entre autres, il permet concrètement de lutter contre les discriminations dans l'accès à l'eau au niveau national. Cependant, une législation est également nécessaire pour traduire la reconnaissance constitutionnelle en normes concrètes, c’est-à-dire, des politiques publiques et une gestion solidaire et commune, ainsi que des infrastructures partagées pour atteindre tous les bassins de vie et les citoyennes et citoyens marginalisés, en garantissant ces droits à toutes et tous.

Les stratégies d'adaptation au changement climatique doivent s'appuyer sur une transition partagée, qui renforce la résilience. Visons à ne pas prendre à la nature plus qu’elle ne peut reconstituer chaque année. Dans ce contexte, la gestion démocratique des services d'eau et d'assainissement devient fondamentale.

Nous pouvons promouvoir une compréhension globale du droit à l’eau et à l’assainissement, qui tient compte de l'accessibilité effective à la jouissance de ce droit humain fondamental. Nous sommes toutes et tous dans le même bain, le jardin planétaire ne forme qu’un tout, précieux et vulnérable à la fois, un même écosystème indispensable à la vie qui met 100 ans à se renouveler. Prenons-en soin.

La Méditeranée est notre communauté de vie dont le coeur ne peut battre sans eau. Merci pour votre attention.